Adeus minha mãe, adeus meu pai,
Adieu mes frères et soeurs, il faut que je m’en aille.
Adieu mon fier clocher qui rythma notre foi,
Tu as pleuré la mort, tu as chanté la joie.
Adieu mes chers cahiers, l’école et son préau
Qui abrita nos jeux. Qu’importait le héros :
Guerrier ou conquérant ? Là demeure mon enfance
Avec ses cris de joie et sa grande insouciance,
Ses moments de gaieté et de pleurs tour à tour.Adieu mon vieux curé. Vous reverrai-je un jour ?
Et toi, brave Adélia, dans un grand dévouement
Tu as appris à lire à tant de garnements !
Adieu tous mes copains. Nous avons partagé
Nos peurs et nos récrés. Avec les plus âgés
Qui étaient nos idoles, combien avons-nous fait
De farces et de bêtises dans des rires étouffés ?Adieu mon doux village où j’ai été heureux,
Où vécurent avant moi tant de gens valeureux
Qui ont su arracher avec force et courage
Leur substance de vie d’un sol dur et sauvage,
Une vie de tourments, d’aléas, de labeur
Mais aussi de tendresse, d’espoir et de bonheur.
Mes pères ont tant trimé sur cette terre aride
Et pourtant qu’elle est belle, sans une seule ride !
Tes vieux murs de rocaille, tes routes et chemins
Depuis la nuit des temps ont été les témoins
Fidèles et muets de secrets, confidences,
Rendez-vous amoureux ou de projets d’alliance,
Des dernières nouvelles, intrigues et commérages.Mais n’est-ce donc point là le charme d’un village ?
Et pourtant je m’en vais, laissant tous ceux que j’aime,
Allant vers l’inconnu avec mes seuls poèmes.
Je me sens orphelin et je me sens coupable,
Suivant bien malgré moi le courant intraitable
Qui déchire nos vies en faisant abstraction
Des sentiments humains. O folle émigration !
Adieu tous mes amis, compagnons de jeunesse.
Vous tous qui m’entourez, respectez ma détresse.
Vous vivez mon chagrin. Surtout ne pleurez pas
Afin de m’épauler et d’alléger mes pas.
Le fardeau que je porte est déjà bien trop lourd
Et je ne voudrais pas faillir à ma bravoure.J’emporte dans mon cœur ce sourire qui tremble,
Ces larmes contenues qui couleront ensemble
Quand le dernier tournant m’aura fait disparaître.Je souffre dans mon âme et dedans tout mon être.
Adieu mon beau pays, je t’aime et je te laisse.
Me pardonneras-tu ce geste de faiblesse ?
Est-ce moi qui te quitte ou toi qui me renvoie
Tel un enfant renié ? Et pourtant tu le vois,
Tu le sais comme moi, il n’est point d’autre issue.
Qui de nous est ingrat ? Moi qui t’ai fort déçu
Ou toi qui ne sais plus produire en abondance ?
Pourquoi voir un motif qui n’a plus d’importance !
Je vais vers mon destin, poussé contre mon gré
Par des vents imprévus. Je suis un émigré.
Comme d’autres avant moi je vais tenter ma chance.Je ne suis pas un lâche même si tu le penses.Je ne déserte pas. Je veux tout simplement
Et trouver du travail et vivre dignement.J’emmène bien cachés dans mon mince bagage
Un petit pot de terre, symbole du village,
Un brin de mimosa, la photo des parents
Au regard si profond, si doux et transparent,
Ce pain tout croustillant cuit aux heures matinales
Spécialement pour moi dans le four communal,
Une fleur de chez nous et mes chers souvenirs
Qui vont m’accompagner, m’aider, me soutenir.
Quarante ans ont passé. J’ai vécu, j’ai vieilli
Loin de toi, de tes cieux. Je t’aime, ô mon pays.Il est entre nous deux une histoire d’amour.Dans tes bras j’ai grandi et j’ai connu le jour.Ne rougis pas de moi, je n’ai rien oublié,
Ni le feu du soleil, ni l’odeur des figuiers,
La brume des rivières s’élevant comme un voile,
Les nuits de plein été aux myriades d’étoiles
Où le chant des grillons et le bruit des troupeaux
Déchirent le silence des villages au repos.
Les souhaits échangés : boa noite, bom dia,
Les mots de bienvenue : então ? como stá ?
La plainte lancinante des ânes levés dès l’aube,
La grâce des chevaux dans leur superbe robe,
Le parfum entêtant des orangers en fleurs
Et des eucalyptus le soir, à la fraîcheur,
La poussière des chemins soulevés en nuages
Par les sabots des chèvres lors de chaque passage.
Le rose délicat, la beauté si fragile
Qu’offrent inlassablement les merveilleux avril
Qui couvrent de pétales des milliers d’amandiers
Paraissant étaler un voile de mariée,
L’arbuste qui a soif, le sol sec, craquelé
Et l’ombre bienfaisante, gracile et dentelée
Projetée à foison par une main divine
De tous les oliviers sur les champs, les collines.
Présents à l’infini, ils sont partout chez eux,
Accrochés aux coteaux ou près des résineux.Ils sont là et ailleurs, habillant de vert tendre
Boqueteaux et vallons dans les moindres méandres,
La chaude intimité des soirées en hiver
Devant la cheminée. On chante, on prend un verre
Groupés autour du feu, emmitouflés de laine.On boit le vin nouveau, on rit à perdre haleine
Narrant avec humour potins et aventures,
La récente infortune du brave père Arthur.Les rires se succèdent jusque tard dans la nuit,
Puis les voisins s’en vont sous la lune qui luit.
Il y a tant à dire, je ne sais plus me taire !
J’ai toujours devant moi le petit pot de terre,
Le mimosa séché et la rose fanée
Qui m’ont accompagné au long de ces années.
Les parents me sourient sans jamais se lasser
Dans leur cadre jauni aux nuances passées.
Et je vais maintenant te faire une surprise :
J’ai su, malgré le temps et contre toute emprise,
Conserver cet accent qui fleure bon le terroir,
Ces scènes quotidiennes soudées à ma mémoire,
Cet accent qui partout a vibré, a fait rire,
Mes phrases aux mots chantants qui souvent ont fait dire :
« Voilà un étranger ». Et lorsqu’il vient à moi
Caresser mes oreilles par l’ami en émoi
Venu dire des nouvelles, impatient, enjoué,
Les cordes de mon cœur se mettent à jouer
Et je ferme les yeux. Comment ne pas revoir
La file des moutons, le soir, à l’abreuvoir,
La gamme des couleurs revêtant la nature
D’un savant maquillage aux contours fins, si purs,
Mûriers tachés de sang, plages au sable doré,
La vigne prometteuse aux raisins mordorés,
L’ocre des chênes-lièges, la brebis qui met bas.Il est un trait d’union entre moi et là-bas,
Gommant éloignement, distances et frontières.Alors tu comprendras pourquoi j’en suis si fier
Et je sais maintenant être heureux, être gai.Je suis un des tes fils, je suis un Portugais.
Geneviève Vaz
P.S. Poema sobre a emigração, do nosso amigo Fernando, escrito por sua mulher,
Que adora Portugal!
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2 comentários:
Geneviève: Notável poesia na sempre difícil, e por isso rara, métrica alexandrina. Belo poema pelo ritmo que nos dá a sensação de separação e de afastamento e pela rima que de tão natural até parece fácil.
Recriação lírica dos sentimentos de tantos daqueles que, olhando para trás, foram arrancados às suas raízes. Evocação do que deixámos ( um largo, uma fonte, uma árvore, uma escola, amigos...)
e reencontrámos noutro lugar. Reencontrámos?
Eduardo Bento
Geneviève et Fernando
Gostei muito deste fado. Perdão, não quero desmerecer este melódico e sentido poema, antes pelo contrário. Creio que os meus pobres conhecimentos do Francês foram, talvez, suficientes para apreender o essencial. Ao longo do que levo de vida, apenas tive um pequeno arremedo de experiência como emigrante (2 anos de cooperante em Angola, com férias pelo meio) que não deu para engolir lágrimas nem perder a noção do espaço natal e ter que voltar a ele, fechando os olhos, através do sonho. No entanto, conhecendo o ambiente real em que estas situações acontecem - como se se tratasse de uma fatalidade lusitana – parece-me que a Geneviève fez uma óptima tradução da sua alma gémea e, se gosta assim tanto de Portugal, já se entende por que será. Parabéns!
Na verdade, todos temos um pouco de emigrantes e travamos sempre uma luta titânica entre a pena, a dor da partida e o constante dever de partir, sem remorsos nem ressentimentos, porque entre o ponto de partida e de chegada “há uma história de amor”. Se, apesar disso, a terra nos tomar por desertores ou se envergonhar de nós, pois… amigos na mesma. Outros virão a seguir.
Um abraço e Bonne Année 2008.
Ferraz Faria, Manuel
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